Cette étude qui a mesuré la fonction pulmonaire de plus de 5.000 participants pendant plus de 20 ans montre qu’une consommation occasionnelle et sans excès de cannabis n'est pas associée à des effets néfastes sur la fonction pulmonaire. Ces conclusions, publiées dans l'édition du 11 janvier du JAMA, sécurisent sur l’usage thérapeutique du cannabis et « déculpabilisent » sur l’aspect pulmonaire sur un usage récréatif raisonnable. L’étude suggère en revanche un risque de détérioration des poumons en cas d’usage intensif et donc excessif.
L'exposition à la fumée de tabac provoque des dommages aux poumons, avec des conséquences cliniques qui incluent des symptômes respiratoires, la maladie pulmonaire obstructive chronique et le cancer du poumon. « La fumée de cannabis contient beaucoup des mêmes composés que la fumée de tabac, mais il restait difficile de savoir si le cannabis cause les mêmes dommages pulmonaires que le tabac. Et en particulier dans son usage médical. » Le Pr. Mark J. Pletcher de l'Université de Californie et ses collègues ont examiné les associations entre le cannabis (exposition actuelle et durée d'exposition) et la fonction pulmonaire à partir des données de l'étude de cohorte CARDIA (Coronary Artery Risk Development in Young Adults), une étude de collecte répétée des mesures de la fonction pulmonaire et du tabagisme, menée sur plus de 20 ans auprès de 5.115 hommes et femmes américains. L'exposition à vie au cannabis a été exprimée en « joint-année », une joint-année d'exposition représentant l'équivalent de 365 joints. La fonction pulmonaire a été évaluée par la mesure du volume expiratoire forcé dans la première seconde d'expiration (FEV1) et la Capacité Vitale Forcée (CVF), la baisse de ces mesures correspondant à des fonctions pulmonaires dégradées.
Une consommation de cannabis moins élevée que de tabac : 54% des participants (âge moyen au départ de l'étude : 25 ans) ont déclaré fumer actuellement du cannabis, ou des cigarettes de tabac, ou les deux, lors d'une ou de plusieurs évaluations. La consommation moyenne de cigarettes, soit 8-9 par jour est nettement plus élevée que la consommation de cannabis chez les usagers, soit 2 à 3 fois dans les 30 derniers jours. Les auteurs observent que,
· la consommation de tabac est associée à une baisse du FEV1
· la consommation de tabac actuelle à une baisse de la CVF,
· l'usage de cannabis (à la fois actuel et exposition totale) à une augmentation de la CVF,
· la durée d'exposition au cannabis, à une augmentation du FEV1.
Un effet dose-dépendant : A de faibles niveaux d'exposition durant la vie, l'augmentation de la consommation de cannabis est associée à une augmentation des 2 mesures de la fonction pulmonaire, du FEV1 et de la CVF. Quelques repères :
· 7 joint-années d'exposition à vie – c'est-à-dire une consommation à raison d'un joint chaque jour durant 7 ans, les chercheurs font part de l'absence de preuve que l'exposition au cannabis puisse affecter la fonction pulmonaire.
· A plus de 10 joint-années d'exposition à vie, ils constatent une baisse non significative du FEV1,
· A plus de 20 épisodes de consommation de marijuana par mois, ils constatent une baisse significative du FEV1.
Les chercheurs concluent donc que «le cannabis peut avoir des effets bénéfiques sur la réduction de la douleur, l'appétit, l'humeur et la gestion d'autres symptômes chroniques, que l'utilisation occasionnelle de marijuana à ces fins ou à d'autres fins ne peut pas être associée à des conséquences néfastes sur la fonction pulmonaire. Il est plus difficile d'estimer les effets d'un usage régulier et abusif en raison de la difficulté à réunir des participants obéissant à ce type de comportement. Cependant, cette étude suggère un déclin accéléré de la fonction pulmonaire avec une utilisation intensive.
Source: JAMA 2012;307[2]:173-181 « Marijuana Use Not Associated With Adverse Effects on Lung Function”